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Photo du rédacteurSabine Coullet-Cantarini

De la difficulté de nommer, de trouver le mot juste


Je me trouve aujourd’hui dans une situation où je dois, pour une formation à l’interculturalité, faire un focus sur les « gitans ». Il est toujours délicat – voire contre productif - de travailler sur une communauté donnée car le fait même de préparer un cours, une formation, une présentation implique de faire référence aux mêmes préjugés et stéréotypes que l’on veux déconstruire. Ceux-là même auxquels font parfois référence les stagiaires et qui provoquent incompréhensions, malaises et discriminations. Ceux-là justement qui sont la raison de mon travail en interculturel pour favoriser ouverture d’esprit, pas de côté et prise de recul.


Donc aujourd’hui, je cherche à trouver un moyen simple de traiter un sujet hautement compliqué sur lequel les spécialistes en sciences sociales n’arrivent pas à s’entendre ni unanimement, ni avec clarté : qui sont les gitans ?

Il y a une première question fondamentale : d’abord comment doit-je nommer ces personnes ? je cherche à trouver à la fois une façon respectueuse et précise de nommer un ensemble de populations aussi diverses que différentes mais qui semblent se rassembler autour de l’idéal du voyage. Même cette périphrase ne me parait pas satisfaisante…

Pour avoir parcouru divers travaux de chercheurs développant bien mieux et plus précisément que moi le sujet, j’ai pu constater que le fait de nommer recouvre plusieurs dimensions. Cela peut être comment on se désigne avec ses pairs, mais cela peut être aussi le nom qui nous est attribué par les personnes extérieures à notre communauté ; ici le nom peut revêtir un caractère juridique ou administratif mais il peut aussi prendre une dimension péjorative. Cela peut être aussi comment je me nomme face à l’Autre en faisant appel à ses références.

La première est la manière dont les personnes se nomment elles-mêmes, ce qu’elles disent d’elles. Par exemple, les jeunes filles avec lesquelles je travaillent en ce moment aux Baumettes se disent « serbes et gitans » (sic) alors qu’elles ne sont pas nées en Serbie mais en Italie qu’elles ne sont pas gitanes au sens couramment entendu de « gitan espagnol ». D’autre part, elles semblent se sentir insultées lorsque certains les associent à la communauté rom. Pourtant ce terme, est dans le langage policé du social, une façon respectueuse de parler de cette communauté aux contours flous que les gens associent aux « gens du voyage ».

Ah oui, mais que signifie l’expression « gens du voyage »? En France, c’est une catégorie administrative qui recouvre par une expression apparemment neutre les populations auparavant désignées juridiquement par le terme « nomade ». Au sens de la loi de 1912, il s’agit d’une catégorie juridique qui permettait de nommer les tziganes, bohémiens, gitans, sinti, manouches, etc. et qui peut être teinté de préjugés négatifs.



Bref, me voici embourbée dans la difficulté que semble rencontrer toutes les personnes qui cherchent à travailler sur le sujet et qui montre à quel point il est difficile de délimiter les univers tsiganes (j’emploie le pluriel à dessein) :

Que ce soit d’un point de vue géographique (tout le monde ne s’entend pas sur les origines de ces peuples, et on découvre qu’un ancrage territorial existe bel et bien mais dans une façon d’être très différente de celle des « sédentaires »), d’un point de vue linguistique (on trouve des points communs, mais tous ne parlent pas la même langue), ni encore culturel (les habitus peuvent différer fortement), ni même religieux.


Ce que je trouve passionnant dans cet enjeu de travailler sur ce sujet, c’est qu’il est le cœur même de mon engagement : comprendre sans pouvoir saisir complètement, montrer la complexité malgré les lacunes mais avec comme objectif fondamental celui du respect de l’altérité et du maintien du dialogue comme clef du respect et de la promotion de l’égalité.

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